L’attention et le yoga · part. 2 : ce qui change et ce qui reste.

Petit détour par la neuroplasticité pour comprendre en quoi le yoga peut changer nos vies. 

Alors, as-tu joué à mon petit jeu des contraires le mois dernier ⚡️ vs  🐢 ? As-tu tenté une sortie de ta zone de confort ? (Si non, il n'est pas trop tard. Si oui, bravo !) Si tu t'es sentie un brin mal. l'aise voire carrément en colère, découragé, démuni, perplexe, perdu, agité : bien joué 👌. C'était le bon endroit. Celui d'où tu te transformes, d'où ta conscience grandit.

Ces situations sont les meilleures pour apprendre de soi, pour faire émerger le travail de l'attention, celui qui nous permet de choisir librement nos actions. Tu l'as senti : tu as imposé un nouveau comportement à ton esprit en passant par le corps.

Je m'explique ci dessous, d'une manière un brin scientifique mais qui ne manquera pas de rappeler certains concepts aux férus de philo yogique 🤓.

Pour schématiser grossièrement, de nos jours en Occident, on grandit souvent avec l'idée qu'on est un esprit dans un corps, une conscience dans un vaisseau, des idées dans un système mécanique, colocs imposés pour le meilleur et pour le pire. Pas toujours amis. En yoga, si tu pratiques avec moi, tu as vite observé qu'on fait bien plus qu'ordonner à des muscles de s'engager pour tenir la planche ou que ressentir le point d'équilibre pour tenir un guerrier 3.

On cultive notre intéroception. On travaille à stimuler et mettre en lumière les liens corps-esprits, à étendre notre attention. C'est à dire à rassembler en un moi présent à la fois des sensations, des émotions, des pensées, du recul sur ces phénomènes et de la gratitude envers le petit miracle de notre existence & conscience (rien que ça !). Ci après, j'emprunte quelques éléments à la science occidentale pour décrypter une partie de ce chemin merveilleux, pas magique.

Cet esprit, étendons-le à la notion de "système nerveux" : un cerveau, une moelle épinière, des organes, le tout lié par des circuits électriques et chimiques.

Le corps quand à lui est à première vue matériel : os, muscles, cheveux, peau... Mais très vite et à toute échelle, il nous apparaît comme habité de ce vivant qui le rend si intéressant, il est mu par de grands mouvements et petits processus. 

Le mot corps lui-même a cette ironie d'être au pluriel invariable en français, voilà qui reflète bien le principe des koshas en ayurveda. On serait constitué en réalité de plusieurs "couches" de la plus grossière (physique, tangible) à la plus subtile (une once de divin), au milieu : émotions, intellect, intuition... Et à l'écoute récente du podcast d'Huberman Lab, j'ai été frappée de voir qu'en réalité la science moderne décortique elle aussi les différents niveaux de manifestation de notre système nerveux sur un modèle similaire. Coïncidence ?

Niveau A : les sensations, le corps physique.  Qui ne peut être qu'ici et que maintenant. Ce que nos sens captent du monde, la proprioception. Si on place notre attention dessus, nait la perception, l'ancrage dans le moment présent.

Cette attention, qui est elle ? Prenez l'image d'un projecteur : on peut le diriger vers un point précis : la concentration. Et en même temps on pourrait avec ce projecteur éclairer de manière diffuse toute une scène. Son intensité et sa focalisation sont variables.

Niveau B : les émotions, produit bigarré des neurones mais aussi des hormones dites "neuromodulateurs" telles que la dopamine (associée à la motivation), l'adrénaline (associée à la clarté mentale, à une vigilance accrue), la sérotonine (associée à la gratitude, la satisfaction)...

Niveau C : les pensées : sur le passé, le présent, le futur. La saisie intellectuelle des choses, la réflexion.

Tout ce système nerveux communique en permanence, échange des flux électriques et chimiques. Il peut fonctionner en mode "réflexe" ou "délibéré".

 

Pourquoi je vous parle de tout ça ?

Pour réaliser qu'on est souvent plus libres qu'on ne le croit. Il est en notre pouvoir de se libérer d'une partie de nos tourments inutiles : ne plus se sentir impuissants face à nos émotions ou à la dépression saisonnière, s'émanciper d'une voix intérieure hostile, voyager la vie avec une vision claire et sereine... Il ne s'agit pas de devenir control freak mais d'apaiser ou secouer ce qui peut l'être dans notre quotidien pour danser avec notre équilibre, pour faire les choix éclairés qui nous réalisent en tant qu'être humain.

Comment me direz-vous ?

Le système nerveux "délibéré" (nos décisions) a de l'influence.

On souffre parfois de se sentir impuissant, balloté par ses émotions ou la dépression saisonnière.  On peut infléchir nos émotions.

On pense souvent qu'elles sont des choses mystérieuses qui nous tombent dessus, nous traversent. En réalité, une description scientifique d'une émotion vous raconterait qu'une une hormone, fabriquée par votre corps en réponse à un stimulus perçu par lui (lumière, chaleur, satiété, bruit...) déclenche une activité neuronale ciblée, c'est-à-dire une interprétation, une émotion. 

Si vous identifiez chez vous un schéma émotionnel qui vous piège, vous dérange, si vous avez pris le temps de ressentir pleinement ces émotions, de les traverser, mais vous souhaitez modifier ce schéma, vous pouvez vous intéresser à la manière et aux cycles avec lesquels les hormones associées sont produites, alors vous pourrez infléchir ce phénomène ou tout simplement vous distancier plus facilement des émotions, les démystifier, pour les regarder passer ou lieu de vous laisser chambouler.

On décide de nos actions, seul héritage de notre existence.

On est bien-sûr capable de couper les circuits "réflexe", ne pas dire ceci, ne pas faire cela. Par exemple : quelqu'un nous dit quelque chose qui nous déclenche une émotion de colère, ou qui nous mènerait à réaliser un mouvement par habitude. On peut réfréner cette action. Plus le déclencheur est ancré, sensible, plus il nous faut muscler notre lucidité. S'entrainer à sortir des habitudes. 

Et finalement, rien de notre corps, nos émotions ni nos pensées ne restera après notre passage. Seules resteront les conséquences de nos actions. Faire ou ne pas faire est le nouveau "être ou ne pas être". Se détacher des histoires qu'on se raconte nous amène à lire le monde avec transparence, à choisir consciemment nos actions, à faire sens de notre existence. Le travail de toute une vie ^^ !

On a chimiquement besoin de contraires qui se complètent.

Et ça nous laisse dans un état agité, bouillonnant, n'est-ce pas ? Cette sensation que vous avez peut être eue en sortant de votre zone de confort en jouant à 🐢 vs ⚡️ ?

C'est la conséquence chimique normale d'une processus délibéré ("top > down") plutôt que réflexe. C'est même une condition chimiquement nécessaire à l'apprentissage. Dans cet état d'agitation, d'alerte (adrénaline/épinéphrine sont dans la place),  l'acétylcholine (neruotransmetteur) va comme tagger les éléments qui se déroulent pour que notre mémoire les enregistre dans le but d'apprendre de la situation et éventuellement éviter un prochain stress similaire. 

Cet apprentissage (neuroplasticité) n'a toutefois pas lieu dans le feu de l'action, mais dans le temps de repos, voire même mieux de relaxation profonde sans sommeil (savasana, sieste, yin yoga, nidra, massage) qui suivra.

On a besoin du couple : alerte / relaxation pour apprendre, se transformer, façonner notre existence.

On a besoin de yoga réparateur et de yoga dynamique pour se réaliser pleinement.

Pour résumer : 

  • Allez vers vos opposés, sortez de votre zone de confort

    • vous passerez là-bas un petit moment en mode "alerte", ce qui s'y passera sera mieux gravé dans votre mémoire qu'un événement sans relief, connu.

    • votre attention sera acérée, vous aurez besoin d'être concentrés pour faire cette nouvelle chose, et sans doute vos perceptions seront plus saillantes : émotions vives, surprises. C'est le meilleur terrain de jeu pour cultiver votre attention, pour apprendre à la diriger, la focaliser, l'étendre. Par exemple : je suis du genre actif mais je vais en cours de yin. 1000 pensées à la minutes, mais je dois tenter de trouver l'immobilité : est-ce que je peux fixer mon attention sur cette sensation dans la hanche ? Est-ce que je peux garder cela dans mon champ de vision mais aussi allonger ma respiration ? Est-ce que je peux revenir à ces deux choses si mes pensées m'emportent ?

  • prenez des temps réguliers de repos et relaxation ("non sleep deep rest"), les recommandations sont à 20 minutes toutes les heures et demie : on a tous un peu de marge pour y arriver 😅.

  • les séances de yoga dynamique comme doux ainsi que les massages reçus en conscience vous offrent l'ensemble de ces éléments : continuez !

"Trust the process", ou la science qui vous le dit.

Et pour plus d'infos, amis anglophones, écoutez à la source les podcast d'Huberman Lab 💡.

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